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DECOUVERTE AFAR

Lettre d’Ethiopie N 59

La famille au pays Afar. En vadrouille du côté d’Awash et du Bilen Lodge.

lundi 8 décembre 2008, par Webmestre

Voilà quelques semaines, la lecture des guides nous avait mis l’eau à la bouche. Il paraît qu’il existe un lodge d’où on entend rugir les lions la nuit. Il paraît aussi que l’on peut observer des zèbres non loin de là. Il ne nous en faut pas beaucoup plus pour mettre sur pied une petite excursion du week-end. Nous choisissons le week-end du 6-7 décembre, car nous misons sur un lundi férié pour cause de fête musulmane. Quand nous disons “miser” l’expression est à prendre au sens premier, car en quittant Addis-Abeba samedi matin nous ne savions pas si le lundi serait travaillé ou pas. Il nous faudra attendre dimanche en fin d’après-midi pour confirmer la journée de repos supplémentaire.

Le départ est fixé samedi 6 décembre 6 h 30. Nous partons à 2 voitures, il est toujours plus sûr de ne pas voyager seul. En quittant le centre-ville, nous grimpons sur la “ring-road”, le périphérique local. Nous avons croisé deux véhicules accidentés : un camion est descendu sur la contre-voie, couché sur le flan et une R16 sur le toit, dans une boutique. Cette rencontre matinale rappelle combien la prudence doit être de mise.

Nous suivons la route Addis-Abeba - Djibouti. C’est l’unique axe terrestre de ravitaillement du pays. Sur plus de 300 km, la route longe la célèbre voie ferrée qui relie la capitale abyssine à la mer Rouge. Pour le moment, le trafic ferroviaire est interrompu. L’extrême mauvais état des rails ne permettait plus une circulation régulière des trains. Hervé a photographié des pièces fabriquées en 1913 ! L’Europe assure le financement de la réfection des infrastructures. Quant à connaître la date de la reprise des circulations.... Mystère !

La route est essentiellement empruntée par les camions. Ils descendent à vide pour chercher leur chargement sur le port de Djibouti. Ils sont souvent composés d’un camion à plateau et d’une remorque. Cette dernière, pour le trajet à vide, est placée sur le camion. Hervé s’est souvent interrogé pour comprendre comment la remorque pouvait atterrir ainsi. À la sortie d’Addis-Abeba, de nombreux monticules jalonnent la route. En fait, ils servent de rampe pour faire grimper la remorque sur le plateau du camion. Tout se passe à la main ; une nuée d’hommes armés de long bâton guide le lourd chargement à roulette sur le plateau du camion. C’est impressionnant à observer.

Moins 100 km après Addis-Abeba, nous ne croisons plus un seul véhicule particulier. Nous sommes pris dans le flot de camions qui nourrissent le pays (containers, carburant, khat...).

Sur la route, Hervé évite de rouler sur les animaux écrasés. Que ce soit une hyène, ou un porc-épic, ce n’est pas bon pour la voiture. Il est facile de repérer ces obstacles, ils sont signalés par les vautours qui nettoient la chaussée.

La route descend. Au fur et à mesure que nous quittons les hauts plateaux, la végétation change. Les champs de tef laissent la place aux acacias et autres épineux. Nous laissons les Kereyoux (playmobil) pour entrer dans le pays des Afars et des Issas.

À 10 h, nous arrivons à notre première étape : le parc Awash. Nous embarquons un scout armé et nous partons à la chasse aux bestioles. La lumière est magnifique et donne des reflets blanc argenté aux hautes herbes. Nous croisons de nombreux groupes d’oryx. Certains sont accompagnés de jeunes dont les cornes commencent à peine à pousser. À propos de cornes, quand l’animal est à maturité, elles peuvent mesurer un mètre de long. Elles deviennent alors de véritables épées capables de transpercer un lion !

Nous filons doucement dans la savane. Nous ne croisons personne et c’est très agréable de nous promener dans cette plaine bordée de volcans. Le parc est en assez bon état, les troupeaux domestiques ne l’on pas massacré comme de nombreux autres par ici.

Après un crochet par le lodge dont le seul intérêt est d’offrir une magnifique vue sur la vallée de la rivière Awash, nous nous dirigeons vers l’aire de camping pour pique-niquer. Nous nous installons à l’ombre des arbres, au bord de la rivière. Aujourd’hui, il n’y a pas de comité d’accueil assuré par un saurien. Nous mangeons tranquillement sous l’oeil de vervets (petits singes verts) qui ne perdent pas une miette de notre festin.
L’affaire avalée, Hervé se dirige vers la rive et commence à descendre sur une petite plage. Il n’est pas allé très loin, un charmant jeune crocodile d’un peu moins de deux mètres profite de la grève pour se dorer la pilule. Tout le monde profite du spectacle. Avoir une telle bestiole si proche est toujours un moment fascinant même si l’animal est de petite taille.
Nous partons dans les bois à la recherche d’autres spécimens. Nous en observons trois sur un îlot et un dans l’eau.

Sur le chemin du retour, Inès a vécu un moment fort désagréable. Alors qu’elle mangeait tranquillement ses M&M’s au milieu de nous tous, un vervet mâle s’est glissé au milieu du groupe et lui a chipé ses friandises ! Elle a été très surprise par la rapidité de l’attaque et n’a vraiment pas apprécié la démarche quelque peu impolie du primate.

Nous reprenons la piste et avant de sortir du parc, nous faisons un crochet par les cascades. Elles sont bien en eau, bruyantes, humides et spectaculaires.

Nous quittons le parc. La première difficulté est de trouver la bonne route pour rejoindre le lodge où nous devons dormir. En fait, le choix est simple : soit c’est la route “est” qui conduit à Harar, soit la route “nord” qui rejoint Djibouti. Notre scout nous indique la route “est”, les guides sont assez flous et la carte pas forcément exacte. C’est à force de recoupement qu’Aude donne la bonne information à Hervé : cap au nord !

Nous traversons deux drôles de villes modernes et surréalistes. Des blocs de béton au milieu de nulle part dans une nature très sauvage.
La route continue à descendre et nous sommes à présent à moins de 900 mètres d’altitude. Le thermomètre grimpe à plus de 35° dans un air sec et poussiéreux. Nous devons franchir l’Awash par un pont gardé. Hervé ne sait pas comment s’y prendre et hésite. Faut-il s’arrêter avant de traverser, ne s’engager qu’un véhicule après l’autre (le pont est large et en parfait état), rouler vite, au pas... Rien n’indique le mode opératoire pour la traversée et pourtant il se doute bien que des règles sont à respecter. Il s’engage sur le pont et de suite un soldat quitte sa guérite en agitant sa kalachnikov. Hervé hésite, freine et reprend sa traversée. À l’autre extrémité de l’ouvrage, il se fait arrêter par le soldat en faction. Eh oui, il fallait deviner qu’il est interdit de ralentir sur un pont, de prendre des photos, de doubler, de rouler vite, de croiser un autre véhicule, etc., etc. Il faut comprendre que les ponts sont véritablement stratégiques. Toute coupure sur un axe aussi sensible et c’est la source principale d’approvisionnement qui est tarie.

Nous roulons, mais Hervé doute. Le temps de parcours lui semble bien plus long que ce que le guide indique (en fait, entre nos deux guides, il y a plus 30 km d’écarts). C’est le Lonely Planet qui détient la bonne information et le petit futé qui est dans les choux.

Nous cherchons une piste à gauche de la route. Il paraît qu’un panneau indique la direction de notre lodge. Heureusement qu’un collègue nous a donné un indice précieux : la piste débute avant un contrôle routier. Effectivement, au dit contrôle, une piste s’enfonce dans la savane, à gauche. Nous nous y engageons.

En chemin, nous croisons un écureuil du type “scratch-dans-l’âge-de-glace”, un phacochère et une énorme tortue. Nous parcourons rapidement la dizaine de kilomètres qui nous mène au lodge.
En Éthiopie, il faut vite effacer les images de luxe qui peuvent être associées au mot lodge. Notre lieu de résidence d’un soir est simple et propre. Le patron nous accueille avec convivialité et échange en utilisant les quelques mots de français qu’il a appris au contact de ses hôtes francophones.

Les chambres sont des huttes situées au sommet d’un monticule. Elles disposent d’un WC, d’un lavabo, d’une douche, de deux lits d’une place, de deux ampoules basse consommation et d’une prise électrique. Deux petites tables de nuit et un porte-manteau sommaire complètent les accessoires de confort. Une notice de bienvenue indique que l’électricité est disponible de 18h à 22h. Une terrasse “privative” permet d’admirer la plaine sauvage. À nos pieds, nous distinguons une forêt d’acacias traverse pour une immense roselière. Nous apprécions particulièrement ces grands espaces sans une trace de modernité à perte de vue.

À l’heure du coucher de soleil, nous faisons un petit tour au pied du lodge. Nous croisons un phacochère, un dik-dik, des guêpiers écarlates, des vanneaux éperonnés, et bien d’autres volatiles. Une fois le soleil disparu derrière les roseaux, nous entendons quelques grognements. Dans le doute, nous regagnons nos chambres.

Sans concertation particulière, chacun a pris de quoi alimenter un apéritif des plus sympathiques. Sans entrer dans les détails, quand nous nous sommes dirigés vers la salle à manger, nous étions un petit peu gais ! La bonne bouteille de Bordeaux qui vient finir son voyage dans le pays Afar a terminé de nous mettre de bonne humeur !

De retour dans les chambres, chacun a regagné son lit et le sommeil a vite pris le dessus.

À 22h, le groupe électrogénérateur est coupé et le camp est plongé dans le silence de la nature. La nuit a offert son concert habituel de bruits d’animaux, mais pas de rugissement de lions. Cela ne sera que partie remise.

À 6 h 20, le soleil se lève et grimpe vite dans le ciel. Le vacarme des oiseaux réveille la petite équipe. De belles hirondelles posent sur le fil électrique d’alimentation des huttes.

Tout le monde se retrouve autour du petit déjeuner et chacun décrit les bruits d’animaux entendus dans la nuit ; pas de lion, mais beaucoup d’autres choses !

Nous redemandons s’il est possible de voir des zèbres. Nous savons qu’ils ne sont pas très loin. Malgré notre insistance, nous ne parvenons pas à trouver quelqu’un pour nous guider. Nous nous demandons si tout cela n’est pas une question tribale. Nous sommes en pays Afar et les zèbres, de l’autre côté de la route principale sont en pays Issas. Les relations entre les deux tribus ne sont pas au beau fixe... D’où nos difficultés. Nous ne voyons qu’une solution : partir avec un chauffeur éthiopien depuis Addis-Abeba avec pour mission de nous trouver un guide pour explorer la savane. C’est un peu frustrant de voir depuis la route de grandes plaines où les zèbres gambadent certainement. Mais revenons à notre campement.

Faute de mammifère rayé, nous partons visiter le village voisin. Nous embarquons un jeune homme afar qui nous guidera. Le village est très proche du lodge, à moins de cinq kilomètres de piste. Nous entrons en voiture dans le village, nous slalomons entre les habitations et entrons dans une aire de parcage des bêtes (certainement pour des dromadaires). Une odeur forte monte dans la voiture. C’est un délicat mélange de crottin et d’urine de dromadaire. Nous espérons vite quitter cette aire, mais non, c’est le parking. Il faut stopper les moteurs et mettre pied à “bouse” pour partir à la visite du village.

Les huttes ressemblent à des carapaces de tortue. L’intérieur est simple : des lits, une vague étagère et un coin cuisine. C’est très sombre et le plafond est noirci par le feu. Nous distinguons au moins 3 générations sous le même toit. C’est petit et nous ne pouvons pas tenir debout à l’intérieur. Notre guide nous présente sa femme, la poitrine dénudée. Cela sent le coup préparé, c’est la seule femme du village à ne pas porter un tee-shirt. Elle nous présente des bijoux de perle. C’est du plastique et nous trouvons les prix bien élevés pour la qualité présentée. Nous n’achetons pas.
La visite du village se poursuit.

Les hommes sont tous vêtus d’un pagne écossais et d’une chemise ou d’un tee-shirt. Les femmes ont à peu près la même tenue si ce n’est leur tee-shirt rayé. Elles portent toutes le même ou presque.

Les traits des visages sont fins, et malgré la réputation de cette ethnie, nous sommes bien accueillis et les sourires sont nombreux. L’ensemble est bien modeste. Ce village n’est pas trop mal loti : il y a une piste qui le relie à la route principale, quelques voitures passent par là (peut-être deux par jour...). Nous ré-embarquons pour visiter les plantations de coton. De grands tas de cotons sont recouverts de bâches bleues ou orange. Après avoir franchi le reste d’une rivière qui tient plus du marécage, nous montons sur une digue.

Sur notre gauche, le marais est couvert de nénuphars blancs. De nombreux oiseaux ont pris possession des lieux : des canards, des oies, des aigrettes, un pélican, une cigogne se nourrissent des bestioles du marais. Sur un banc de boue, il y a même un petit crocodile qui bronze.
Sur notre droite, le spectacle est bien différent. Un immense champ de coton se déroule jusqu’à l’horizon. La récolte semble terminée.

L’exploitation dispose d’un vieux tracteur rouge en état de fonctionner.
En face de nous, une colonne de fumée monte dans le ciel. En nous approchant, le spectacle est triste. Un bulldozer abat la forêt d’acacias et transporte les arbres pour constituer un brasier géant. Que faut-il penser de tout cela ? Nous n’en savons rien. Les villageois semblent pouvoir vivre grâce à cette exploitation et les conditions de vie doivent être bien meilleures que celles des Afars nomades soumis aux aléas de la nature.
Nous retournons sur nos traces. De retour au lodge, nous déposons notre guide et embarquons un membre de l’hôtel que nous déposerons à Awash (Aouache du temps du chemin de fer). Il doit nous conduire aux sources d’eau chaude, situées à moins d’un kilomètre de là.

Effectivement, en moins de cinq minutes nous sommes arrivés au point d’eau. Le spectacle est étonnant. Des milliers de boeufs sont là, et de nombreux nomades profitent de la source pour faire la lessive. Nous ne sommes pas les bienvenus. Dès que nous sortons de la voiture, on nous notifie avec vigueur que nous ne devons pas photographier. Malgré les discussions de notre hôte temporaire, pas question de prendre un cliché. Vu le ton employé lors de l’échange, on n’insiste vraiment pas. Il faut comprendre que nous sommes au coeur d’un pays aux codes bien établis. Pour donner une image, c’est un peu comme si nous étions entrés dans une salle de bain, chez un particulier, au moment de la toilette. Nous garderons simplement un souvenir de cette image bien réelle décrite dans de nombreux ouvrages et récit de voyage sur la région.

Nous commençons alors notre retour sur Addis-Abeba. Notre repas est pris au fameux “bouffet-de-la-gare-d’Aouache”. L’établissement, autrefois réputé, sombre et s’ensable doucement dans sa gloire passée. La gare est bien calme depuis que les trains ne circulent plus.

Nous faisons une dernière halte pour acheter des oranges. La vendeuse, peu aimable, essaie par tous les moyens de tromper le chaland. Les sacs de fruits sont préparés par avance en prenant soin de placer au coeur les fruits les plus moches et tout autour les belles oranges. Même scénario pour la monnaie. Elle présente une partie de l’argent et il faut réclamer pour avoir tout son dû. Les oranges, même moches, donnent un excellent jus et nous nous en tirons à cinquante centimes d’euros le kilo.
La route du retour est avalée sans encombre et nous ne lassons pas des paysages grandioses de la vallée du Rift.

C’est décidé, nous reviendrons en préparant davantage l’expédition pour pique-niquer au milieu des zèbres !

........@suivre...